ALASDAIR ROBERTS
S’appuyant -notamment- sur les travaux de collectage menés par Hamish Henderson et Alan Lomax, cet Écossais de 35 ans arpente depuis sept albums le folk écossais de la fin du XIXe siècle et du début du XXe… Autant de chansons de tourbe qui racontent un pays d’éleveurs et de pêcheurs. Mais chez lui, la nostalgie est bannie, au profit d’une posture d’historien questionneur avant tout conscient de la portée politique de ces airs simples.
«Certains peuvent aimer la musique traditionnelle par regret d’un passé couleur sépia qui en réalité n’a jamais existé. Mais je tiens à dire que mes explorations de formes anciennes de la musique n’ont rien à voir avec cela. Ce qui m’intéresse, ce sont les chansons même : le texte, la mélodie, les personnages, l’histoire.»
On retrouve bien dans la musique d’Alasdair Roberts des violons, des battements de pieds pour marquer le rythme, et un chant en question-réponse hérité d’une époque révolue, mais tout est coupant et noir. Il décrit sa vie de prolo, ses bars, ses amours foireuses et la crise que tout le monde se prend en pleine face à Glasgow – en modernisant au passage violemment les formes d’écriture folklorique sur lesquelles il s’appuie.
On y entend les fins de mois difficiles, les pères de famille morts trop tôt et les usines dégradantes. Tant que, dans son anachronique quête artistique au chevet de chansons que les plus vieux ont oubliées, Alasdair Roberts apparaît comme un précieux empêcheur de gratter sa guitare en rond, venant rappeler aux folkeux du dimanche que les musiques populaires cachaient sous leur apparente simplicité formelle un rôle social majeur.
«On a un terme en Ecosse : “kailyard”, qui vient d’un mouvement littéraire du XIXe siècle décrivant la vie rurale comme un lent fleuve tranquille. La réalité était bien différente, et je vois mon travail de musicien comme anti- kailyard, d’une certaine façon.»
(D’après un article de Sophian Fanen paru dans Libération le 11 février 2013)
Quand il ne joue pas de l’americana éplorée avec Appendix Out, l’Ecossais Alasdair Roberts erre dans les landes de bruyères à la recherche des plus inquiétants fantômes du folklore celtique. On parle donc beaucoup de morts tragiques, de naufrages, d’empoisonnements ou de fratricides dans ces ancestrales chansons, ici jouées de façon spartiate et possédée, sur lesquelles se pressent, fervents, aussi bien Isobel Campbell (Belle & Sebastian) qu’un très concerné Will Oldham. La rencontre terrifiante de la médecine légale, de la musicologie, du spiritisme et d’un flûtiau dans les brumes écossaises.